Hello,
Voici un tableau intéressant comparant les chiffres sino-japonais à ceux d'autres langues chinoises ainsi qu'à ceux tibétains.
On peut remarquer en effet, que les termes d'origine chinoise ne viennent pas forcément du mandarin, du moins pas du mandarin actuel, car le mandarin était sans doute différent à l'époque (donc peut-être que c'est le cas.. ou pas!); dans tout les cas, vu que ça n'est plus le cas du mandarin actuel, il est interessant de comparer les termes sino-japonais avec les autres dialectes chinois (cantonais etc).
1 - On remarque que "ichi" (prononcé "i-tchi", signifiant "un"). Pas forcément ressemblant au "iq" ("i" bref) shanghaïen, mais j'ai l'impression qu'il devait y avoir un ancien dialecte où ce "i" bref (ou pas bref) était accompagné d'un son "tch" (itch), impossible de savoir, mais ça expliquerait l'origine de "ichi" (itchi) en japonais. En attendant, c'est un peu mystère oui. On pourrait aussi imaginer que ce son bref est inspiré les japonais à ajouter un "chi" (tchi). Pour le "iq" shanghaïen, en effet, il ne se prononce pas, ceci-dit, c'est possible qu'il y avait bien un son final par le passé par contre! Qui sait!
En tibétain, se lit "tchi" avec soit un petit raclement de gorge final ou avec soit un "i" allongé (un long "i" donc). Oui, en tibétain, l'écriture est toujours plus complexe car l'ancien tibétain était plus complexe, et de nos jours, on le garde parce que cela facilite la lecture en sachant qu'il y aurait beaucoup d'homographes autrement, il y a aussi le fait qu'il y a plusieurs tibétains, il aurait donc fallu revoir l'écriture pour chaque tibétain, mais ça ne s'est pas fait, il faut dire que ça serait un peu comme vouloir écrire le français n'importe comment, l'écriture perdrait donc son sens et sa valeur étymologique, ce qui serait limite une catastrophe, pareil pour la compréhension à la lecture. Vu la lecture tibétaine, tout porte à croire qu'il y avait bien un "itch" chinois par le passé, j'ai donc sans aucun doute raison sur ce point, ce qui serait même logique (limite obligatoire) car ça expliquerait le "ichi" japonais et surtout le "tchi" tibétain.
Ceci-dit, une fois que l'on connait les règles et que l'on lit régulièrement le tibétain, les règles d'écriture finissent par rentrer, tout est une question de pratique et d'habitude (comme en français). Ceci-dit, c'est bien le tibétain de Lhassa qui est le tibétain standard (et sans doute le plus accessible et le moins compliqué, je crois du moins!), dans tout les cas, le tibétain est loin d'être une langue difficile à apprendre (du moins, si on a l'occasion de pratiquer pour ne rien oublier). Pour la romanisation couramment utilisée, elle n'indique pas la réelle prononciation, il faut donc bien se rappeler des règles pour pouvoir s'aider de celle-ci, autrement, elle nous ne aide pas beaucoup, c'est aussi pourquoi le tibétain peut paraître déroutant pour un apprentis alors qu'elle est loin d'être compliquée voir imprononçable, je parle en tout cas pour le tibétain standard, après d'autres dialectes doivent être plus complexes, mais je ne les connais pas. Pour les règles de prononciation par rapport à l'écriture, malheureusement, il y a des exceptions (faut faire avec et les retenir).
2 - "Ni" ("deux") a l'air ici plus proche du shanghaïen (gnî). En tibétain, c'est "nyi" (quasi prononcé "nyi" mais virant légèrement vers un "nyé"; pas évident de prononcer "nyi" au début, vous pouvez donc le prononcer "nyé" le temps de vous y faire). Ceci-dit, le chiffre possède également un léger raclement de gorge final ou un allongement de sa voyelle. Attention, ici la syllabe est au ton haut (haut et court donc); oui, au départ, cette syllabe (
ཉ nya) est au ton bas.
3 - "San" ("trois") est bien évidemment plus proche du "san" en mandarin actuel, mais il y a des chances qu'il vient d'un autre dialecte (ou d'un ancien mandarin) où il se prononçait "sam" (comme en cantonais actuel), mais vu qu'il n'y a pas de "m" final en japonais, ils l'ont remplacés par un "n" final. En tibétain, "sum" (prononcé "soum").
4 - "Shi" ("quatre") devait être plus proche d'un dialecte tel que le shanghaïen actuel (sŷ), et vu que le "s" se prononce obligatoirement "sh" ("ch" français) devant un "i" en japonais, c'est devenu "shi". Vu que ça ne ressemble qu'à moitié au shanghaïen, j'ai colorié les deux cellules en vert. En tibétain, "zhi" (un léger "shi", prononcez le doucement, allongez-le également, prenez le temps de le prononcer donc; sonne presque comme "ji").
5 - "Go" ("cinq") devait être proche d'un dialecte ressemblant au cantonais ou shanghaïen actuel, donc d'un "nga / ngô" (je vois bien un "a" ou un "o" ouvert comme voyelle donc); c'est un son très nasal, entre un "g" et un "n", j'aimerais dire que c'est un "n" nasal (pour être clair et bref, je crois même que c'est ça au fond, mais je préfère rester prudent dans mes paroles car je ne suis pas encore un pro du tibétain, loin de là..!). Ceci-dit, en cantonais et shanghaïen, il n'y a pas de voyelles, on prononce juste le son nasal (comme "mmh" mais en plus nasal, genre "nnhi", une vidéo si vous voulez >
https://www.youtube.com/watch?v=9kDjdYBv7dc ). En japonais, vu qu'il aiment la clarté, le "ng" est tout simplement devenu "g"; et le son "a" ou "o" ouvert est devenu "o" car les japonais aiment soit transformer les "a" en "o" dans leur termes d'origines chinois ou soit parce que le (ou les) dialecte concerné possédait un "ngo" et non un "nga", ce qui aurait donc était le cas pour tout les mots d'origine chinois concernés; en effet, on pourrait croire qu'ils préfèrent les "o" au "a", car exemple, en mandarin, le soleil se dit "taiyang", et en japonais, c'est devenu "taiyô" (le soleil), mais oui, voilà, peut-être que les dialectes de l'époque concernaient sonnaient plutôt comme "taiyong" ou quelque chose comme ça (genre "taiyông" avec "o" ouvert etc), c'est en réalité fort probable, il suffit déjà de voir certaines syllabes sino-japonaise qui diffèrent parfois beaucoup des syllabes des chinois actuels, c'est donc sans doute l'explication (tout simplement). En tibétain, se dit "nga", c'est un "na" nasal donc, et il est ici au ton haut (et court donc).
Pour le sino-coréen, les raisons sont sans aucun doute similaires à celles japonaises, et là, contrairement à d'habitude, ils ont choisi une syllabe très simple, c'est tout simplement "o", haha, on enlève la consonne, il n'y a donc plus que la voyelle qui est ici un "o" fermé (un "o" fermé comme en japonais oui), pourtant ils ont un "o" ouvert aussi, ils ont donc parfois des goûts similaires à ceux japonais pour ce qui est des termes d'origine chinois. Ce qui est drôle, c'est qu'ici, le terme sino-coréen est très simple, alors que souvent ils ont des syllabes plus complexes que les japonais, que ça soit pour les termes coréens comme ceux sino-coréens.
6 - "Roku" devait être proche d'un dialecte tel que le cantonais actuel (lok); n'ayant pas de "l" en japonais, mais un "r" légèrement roulé et quasi prononcé "l", c'est devenu "roku", avec un "u" final donc, car le japonais n'aime pas les consonnes finales sans voyelles haha, il n'y a que le "n" qui fait exception. On ajoutera donc souvent un "u"; parfois, ça sera un "i" ou un "o" qui sera ajouté, ça dépend de la consonne finale concernée (ça dépend du terme aussi). C'est pareil pour "ichi" ("un") déjà vu plus haut, à l'origine, l’emprunt devait être un "itch", et vu qu'à la base, il y a pas de "chu" en japonais, ils ont préférés opter pour "chi", c'est donc devenus "ichi"; après, c'est peut-être juste une question de préférence aussi, parce que "ichi" ("i-tchi") sonne mieux à l'oreille que "ichu" (i-tchou") (il n'y a pas de "tche" non plus en japonaise de base, bref!). On rencontre évidemment aussi ce phénomène dans les autres termes d'origine étrangère empruntés à d'autre langues que le chinois. En tibétain, c'est "dru" (drou) avec un raclement de gorge final ou avec un long "u" (long "ou"). Le "r" de "drou" est quasi prononcé à l'anglaise avec un léger roulement (prononcé le à l'anglaise pour vous faciliter la vie).
7 - "Shichi" doit venir d'un dialecte proche du mandarin actuel ("qi" étant prononcé "tchi", et "shichi" étant prononcé "chi-tchi"). En tibétain, "dün" (prononcé "du'n", comme dans le mot "dune" en français).
8 - Pour "hachi" ("huit"), je ne vois aucune correspondance satisfaisante, mais..! Oui, "mais", car je crois que le "p" s'est juste changé en "h" par préférence (encore un phénomène à la japonaise), pareil pour le son "t" ou "q" ("tch") final devenu "chi" (tchi). Voilà! Ces consonnes ont l'air intimement reliées en japonais, la preuve avec les kana en "h", "b" et "p", ce sont les mêmes caractère à chaque fois avec juste un signe diacritique sur les deux derniers ("b" et "p") afin de faire la différence avec les "h" (exemple, "
は ha", "
ば ba" et "
ぱ pa"). Après, faut il chercher plus loin? Sans doute que non! Et pourquoi ces trois consonnes sont elles intimement reliées? Aucune idées, je ne sais même pas si il y a moyen de savoir, sans doute un phénomène de préférence à la japonaise, rien de plus, je ne vois pas de quoi d'autre il pourrait s'agir!.. En tibétain, "gyè" avec un raclement de gorge final ou avec un "è" allongé.
9 - Pour "kyu", j'ai laissé en saumon par rapport au tibétain car ça ressemble, mais il y a peu de chance que l'influence ait été tibétaine vu la distance entre les deux pays; l'influence doit donc venir obligatoirement d'une langue chinoise (du moins, je présume). Aussi, c'est la seule ressemblance que j'ai trouvé pour "kyu", il n'y pas de ressemblance avec les autres dialectes chinois du tableau; en tibétain, c'est "ku" ("kou").
10 - Pour "juu" ("djou" long), le plus proche est le tibétain, "chu" ("tchou").
- Résumé pour les chiffres tibétains (avec les chiffres arabe à côté et sans) (nb : notez que j'ai mis un "g" pour indiquer le raclement de gorge) :
- 1 chig / chii, 2 nyig / nyii, 3 sum, 4 zhi, 5 nga, 6 droug / drou-, 7 dün, 8 gyèg, 9 ku, 10 chu.
- chi-, nyi-, sum, zhi, nga, drou-, dün, gyè-, ku, chu
Ps : À noter qu'il n'y a pas les caractères chinois pour les langues chinoises autre que le mandarin, c'est uniquement pour une raison de clarté qu'ils n'ont pas été mis, autrement ce sont les caractères chinois, les même caractères que pour le mandarin donc (je le dis pour les non connaisseurs).